Dr. Landing Mane est le directeur de l’Observatoire satellital des forêts de l’Afrique centrale(Osfac). Il s’est entretenu avec le reporter du journal Info-Environnement le jeudi 6 août 2024 à Kinshasa, à l’occasion de la 2ème journée de la 1ère université d’été des tourbières organisée par le Secrétariat général à l’Environnement et développement durable.
Info-Environnement(I.E.) : Monsieur le directeur de l’Osfac, pourriez-vous nous faire l’économie de votre intervention qui a été axée sur les connaissances actuelles sur les tourbières, volet menaces sur les tourbières : aperçu de l’état des tourbières de la province de la Mongala ?
Dr. Landing Mane : En fait, l’aperçu de l’état des tourbières de la province de la Mongala, est une étude que nous avons réalisée grâce à l’accompagnement financier de la Coopération belge au développement (Enabel) dans le cadre de la valorisation des tourbières. Cette démarche devrait nous permettre de connaître quelles sont les menaces de cet écosystème (tourbières) avant de pouvoir l’aménager. C’est la raison pour laquelle, on s’est dit qu’il faut protéger les tourbières. Avant de protéger les tourbières, il faut d’abord pouvoir connaître qu’est-ce les tourbières ? Connaître les tourbières cela veut dire connaître par exemple sa composition physico-chimique mais aussi quels types de valorisations et quels types de menaces pèsent sur ces écosystèmes. C’est ce qu’on a essayé de faire lors de notre présentation.
Après avoir caractériser les paramètres physico-chimiques des tourbières tels que les potentiels redoxe et après les avoir identifier, on a pu identifier qu’il y a deux types des tourbières dans la province de la Mongala à savoir les tourbières de la partie Est et celles de la partie Ouest. La partie Est avec le centre Bumba. Là-bas les tourbières sont très profondes. Elles ont environs 70cm d’épaisseur. Alors que dans la partie Ouest les tourbières sont très profondes et dépassent même 3m d’épaisseur. A l’Est les tourbières sont en train d’être exploitées déjà par les producteurs de riz. Du coup, une bonne partie de périmètre de ces rizicoles sont dans les tourbières. Alors que dans la partie Ouest c’est relativement encore assez protégé parce que c’est difficile d’y accéder. C’est là aussi on trouve de plus des grandes épaisseurs des tourbières.
I.E. : Si on vous comprend, certaines zones des tourbières de cette partie de la République démocratique du Congo sont menacées, n’est-ce pas ?
Dr. Landing Mane : Exactement, les menaces on peut les scinder en deux volets. Il y a les menaces d’ordre climatique. Il y a aussi de menaces d’ordre anthropique. Le volet climatique, en fait il y a les précipitations qui baissent parfois. Pour parler des tourbières, il faut parler d’eau. Là où il n’y a pas d’eau, il n’y a pas de tourbières. Donc, pour qu’il y est de l’eau, il faut qu’il y ait de la précipitation. Cependant, lorsqu’il y a une longue sécheresse cela entraîne de sècheresse de certaines zones des tourbières. Et si ces zones ça sèche cela met en mal la tourbière, finalement cette dernière peut se dégrader. Parfois aussi quand il y a beaucoup d’eau, il ne peut y avoir la sédimentation pour que la tourbe se forme. Il faut éviter des excès. Beaucoup de sécheresse causent de problèmes. Et beaucoup d’eau aussi causent de problèmes dans la tourbière. Ça c’est le volet climatique.
Au niveau du volet anthropique, il existe également des menaces. Par exemple, l’agriculture sur brûlis. Quand il n’y a pas d’eau la tourbière est en haut. Donc, ce qui fait que ça sèche. Quand ça se sèche ça peut brûler. Et quand ça brûle ça peut libérer des gaz. Il y aussi le feu qui menace ces zones tourbières. Mais, il y a aussi beaucoup d’autres paramètres tel que l’exploitation forestière dans certaines zones des tourbières, comme je l’ai mentionnée dans mon intervention. Mais, il n’y a pas que ça. Il y a des nouvelles menaces qui commencent à apparaître : Il y a les mines et aussi les blocs pétroliers. Certains blocs pétroliers sont dans des zones où il y a des tourbières. Toutefois, on ne doit pas faire la conservation pour la conservation en ignorant le développement, il faut combiner les deux. Il faut conserver mais il faut travailler pour le développement du pays et trouver l’équilibre.
I.E. : Comment devrait-on concilier la conservation et l’exploitation de ces écosystèmes dont on dispose ?
Dr. Landing Mane : Cela exige à ce que tout le monde, les communautés, les autorités locales comment travailler pour avoir un plan d’aménagement qui est bien en place. Et ce plan d’aménagement doit prendre en compte toutes les menaces question de voir où est-ce qu’on va aménager, qu’est-ce qu’on va faire, sans qu’on perturbe l’environnement et les écosystèmes. Il faut valoriser les écosystèmes qui sont là. Il faut le protéger.
Pour le valoriser, je pense qu’il faut qu’on dispose d’un bon plan d’aménagement. Un bon plan d’aménagement, permet de voir qu’est-ce qu’on fait. Où et comment le faire ? Et aussi encadrer les populations, comment exploiter ces milieux qui sont très fragiles. Voilà la valorisation des tourbières, il y a déjà ce qui se fait au plan local mais on peut aller au-delà. C’est-à-dire penser à la vente du carbone. Parce que quand on regarde la partie Ouest de la Mongala, les forêts sont là et les tourbières sont très bien conservées. On peut développer des projets pour la vente de marché carbone. Au-delà du marché carbone, il y a aussi de zones où les gens peuvent faire du tourisme. Mais, bon qui dit tourisme, il faut qu’il y ait de la sécurité, il faut qu’il y ait vraiment des routes pour y arriver. Il faut que ces zones soient desservies. Donc, il y a toute une économie qui peut être développée au niveau des zones des tourbières. En résumé, je vais dire il faut connaître les tourbières. Les connaissances sont encore partielles. Ce ne pas encore totale mais il faut les connaître. Si on les connaît, on pourra mieux les protéger et on pourra mieux les valoriser sans les dégrader. Propos recueillis par Jean Bernard MUSAMU